Au moment où on rend un livre à la médiathèque, on demande un instant au bibliothécaire car on doit vérifier qu’un post-it ne soit pas resté coincé quelque part. Celui-ci indique qu’il utilise aussi des post-it pour marquer les passages qui l’intéressent. Une dame qui fait la queue également au bureau de prêt précise qu’elle préfère utiliser des bouts de papiers qu’elle découpe dans de vieilles enveloppes – une minimaliste, sans doute. Est alors introduite la distinction entre livres personnels et livres de la bibliothèque, sur lesquels on n’oserait pas marquer la page d’une pliure, ni même, ô sacrilège, souligner quoi que ce soit. (Quoique, cela peut arriver qu’on emprunte un livre sur lequel un indélicat a laissé quelques traces…). Le sujet est approfondi quand on convient qu’on peut, dans un premier temps, utiliser des post-it (ou des morceaux de papier découpés dans des enveloppes usagées) puis, dans un deuxième temps, à la relecture, souligner mais seulement si le livre n’est pas la propriété de la bibliothèque ; s’il l’est, on peut recopier un passage. Hélas, un grincheux du bout de la queue signale qu’il est pressé et on ne peut pas poursuivre sur le sujet fort intéressant aussi de la couleur du post-it et de sa forme la plus adaptée. Mais on se promet de poursuivre lors d’une prochaine visite.
Cette discussion est à l’origine de la question du lundi : êtes-vous post-it, pliure de page ou soulignements, soulignements au crayon de papier ou au stylo, voire, au stabylo, quand on voulez marquer le passage d’un livre ? Ou tout ça à la fois, pourquoi pas.
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La question du lundi : Post-it, soulignements, pliures de pages ?
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La question du lundi : prendre le temps du chemin.
Ecouter Miguel Benasayag est toujours stimulant au niveau de la réflexion et on apprend des choses. C’est ce qu’on a fait quand on l’a écouté présenter son dernier livre, Fonctionner ou exister. Ce qu’il dit est passionnant sur la vie d'aujourd'hui : nous fonctionnons en déléguant peu à peu à des machines la main-mise sur notre cerveau. Parmi ses propos, on a relevé deux éléments.
Le premier : des études ont montré que le cerveau des jeunes conducteurs après trois ans d’utilisation du gps est modifié : les noyaux sous-corticaux chargés dans le cerveau de cartographier l’espace et le temps sont atrophiés.
Le second : à partir d’un exemple personnel à propos d’un film qu’il a vu à l’âge de 15 et qu’il n’a retrouvé par hasard que 30 ans plus tard, il explique que ce n’est pas forcément une bonne chose de trouver tout de suite ce qu’on cherche, juste en cliquant car cela empêche le temps de la recherche et de la réflexion, cela empêche le chemin de se faire. Il cite avec ferveur le magnifique poème de Machado qui suit cette question du lundi.
Pensez-vous qu’il faille prendre le temps du chemin, que ce temps de l’attente est meilleur que d’avoir tout tout de suite ?
Jamais je n'ai cherché la gloire
Ni voulu dans la mémoire
des hommes
Laisser mes chansons
Mais j'aime les mondes subtiles
Aériens et délicats
Comme des bulles de savon.
J'aime les voir s'envoler,
Se colorer de soleil et de pourpre,
Voler sous le ciel bleu, subitement trembler,
Puis éclater.
A demander ce que tu sais
Tu ne dois pas perdre ton temps
Et à des questions sans réponse
Qui donc pourrait te répondre?
Chantez en cœur avec moi:
Savoir ? Nous ne savons rien
Venus d'une mer de mystère
Vers une mer inconnue nous allons
Et entre les deux mystères
Règne la grave énigme
Une clef inconnue ferme les trois coffres
Le savant n'enseigne rien, lumière n'éclaire pas
Que disent les mots ?
Et que dit l'eau du rocher ?
Voyageur, le chemin
C'est les traces de tes pas
C'est tout ; voyageur,
il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur ! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.
Tout passe et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer